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Courard arrête les Pôles

POLITIQUE Le Cinquantenaire, qui risque de fermer, ne sera plus dirigé par M.Draguet.

Philippe Courard (PS), le secrétaire d’Etat à la Politique scientifique, a tranché dans le vif. Il arrête le lancinant projet de fusions et de synergies entre les dix établissements scientifiques fédéraux, dont les grands musées, la Bibliothèque royale, etc.

Ce lundi, Philippe Courard était face au président de son administration, Philippe Mettens, entouré de tout son comité de direction, qui venait lui vendre la nouvelle version du projet de « Pôles » préparée depuis des mois par de multiples groupes de travail. Par rapport au projet très directif de quatre Pôles avec fusions et directions uniques, cette nouvelle mouture était bien plus consensuelle. Elle ne prévoyait plus que la fusion du musée des Beaux-Arts et du Cinquantenaire. Pour le reste, les Pôles seraient plutôt des associations volontaires à géométrie variable, pour rechercher des synergies.

« Mais je ne déposerai pas cette note au Conseil des ministres, nous a déclaré le ministre Courard lundi midi. D’abord parce que, politiquement, le moment n’est pas favorable. Une telle réforme doit être encadrée, implémentée, suivie. Toutes choses difficiles à faire dans un climat préélectoral de tensions où chacun voudra rouler des mécaniques. C’est trop important pour réaliser cela dans un climat de pugilat politique. Il s’agit, je le rappelle, du futur de près de 4 000 personnes ! Et j’ai l’expérience des fusions, l’ayant fait entre deux administrations wallonnes pour 10000 personnes. »

Pas aussi unanime

Mais, sur le fond aussi, Philippe Courard a des doutes. « La première note sur les Pôles avait été critiquée par tous ou presque. J’avais rencontré chaque directeur, seul à seul. J’ai demandé qu’on retravaille, ce qui a été fait, mais les choses ne sont pas encore mûres. Il reste trop d’incohérences et d’incompréhensions. Certes, tout le monde a donné son feu vert, mais non sans faire état aussi d’inquiétudes. Ce n’était pas aussi unanime qu’on a bien voulu le dire. Beaucoup craignent encore une centralisation du pouvoir et de perdre, par exemple, leur autonomie scientifique sur le plan international. La réforme n’est pas assez aboutie. Il faut continuer le travail et arriver à laisser une large autonomie d’action à chaque institution, tout en rech erchant des synergies et des économies d’échelle qui pourront alors être réinvesties dans la politique scientifique. J’ai bien vu que les gens se sont sentis bousculés. »

(…)

Quid alors de l’avenir de ce plan Pôles qui fut, à l’époque, approuvé et appuyé par Paul Magnette (PS), alors responsable de la Politique scientifique, et qui « traîne » depuis des mois maintenant ? « Ce sera au prochain gouvernement de voir s’il poursuit dans cette voie. Le travail effectué par les 59 groupes de travail reste bon. Il faudra poursuivre le travail.« 

Philippe Courard ne craint pas que le report de la réforme ne vienne télescoper les demandes éventuelles de la N-VA et des partis flamands sur ces institutions après les élections.

(…)

Et qu’en est-il du déménagement du musée d’Art moderne, actuellement fermé, au Vanderboght ? « Le dossier est presque mûr. Beliris, le financement de Bruxelles par le fédéral, est d’accord d’y collaborer. Laurette Onkelinx l’a dit. On mettra autour de la table la Région bruxelloise, la Ville de Bruxelles, Beliris et nous-mêmes, et j’espère bien pouvoir avoir une décision très vite, avant les élections. »

Le projet de Philippe Mettens, qui a porté cette réforme durant des années, est donc recalé. C’est le second échec majeur pour lui, après l’abandon du grand plan de digitalisation, le partenariat privé-public, remplacé par bien plus modeste.

DUPLAT GUY,  La Libre, mardi 11 février 2014 

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Draguet: « Si on ne fait rien, on fonce dans le mur »

Voilà des mois et des mois que les mêmes dossiers restent en rade : où mettre les collections du musée d’Art moderne alors que celui-ci a été fermé par le directeur du musée des Beaux-Arts, Michel Draguet, le 1er février 2011, pour y placer le « Musée fin de siècle » qui ouvrira le 6 décembre prochain? Et Bruxelles aura-t-elle un jour un nouveau musée d’Art contemporain, et où ? Va-t-on regrouper les dix établissements scientifiques fédéraux (les ESF : musées, Bibliothèque royale, Archives, IRM, Observatoire, etc.) en quatre Pôles, avec synergies et directeurs uniques ou pas? Avec un Pôle Art dirigé par Michel Draguet, regroupant les Beaux-Arts, le Cinquantenaire et l’Irpa ? En attendant, depuis des années, quatre ESF ont des intérimaires à leur tête. Le monde politique, manifestement, reste divisé et la proximité des élections de mai 2014 va rendre toute décision encore plus difficile.

Nous avons interrogé Michel Draguet, au centre de ces projets, mais aussi au centre de quelques polémiques. Un groupe interministériel a étudié l’idée de Pôles et s’est posé de nombreuses questions. La personnalité autoritaire et centralisatrice de Philippe Mettens, le « patron » de la Politique scientifique, a aussi suscité quelques réticences. Et le dossier du musée d’Art moderne est à la Régie des bâtiments, qui tarde à décider et à envoyer au gouvernement le projet de déménagement à l’ancien Vanderborght.

Pourquoi voulez-vous cette fusion dans un Pôle Art dont l’intérêt est souvent mis en doute?

Je suis absolument convaincu de sa nécessité. Le budget du musée des Beaux-Arts est de 4,3 millions d’euros et, au Cinquantenaire, de 5,6 millions. Et nous devons économiser dans chaque musée, en 2013, 500 000 euros. C’est énorme et ceux qui disent que la Belgique ne fait pas d’économies se trompent. Dans un tel cadre, je suis convaincu que chaque institution ne peut plus s’en sortir seule et qu’il faut faire des économies d’échelle. Les Archives viennent de dire qu’elles ne peuvent acheter leur mobilier pour leur nouveau centre à Namur. Il faut donc organiser une solidarité. Chacun n’a pas l’assiette suffisante pour assumer seul les économies exigées.  Dans le Pôle Art, il y a actuellement quatre directeurs par ESF, soit 12 au total. Faire un Pôle permet de diminuer fortement ce nombre et même de trouver des marges pour nommer des responsables à des fonctions qui ne sont pas remplies aujourd’hui : comme un juriste, un responsable marketing, un pour le mécénat. Et surtout, pour redéployer les musées et pour leur assurer un avenir. Ce que nous avons commencé à faire avec le musée Magritte et qu’on continue, le 6 décembre, avec le musée Fin de siècle
Certains mettent en doute que cela fasse des économies et voient surtout le risque de « superdirecteurs », dont vous qui n’avez pas que des amis?
Je ne vois pas comment faire autrement les économies demandées. D’autre part, le spectre d’une dérive autoritaire me fait sourire. Si je devais diriger le Pôle Art (il y aurait un appel à candidatures), mes pouvoirs resteraient bien moindres que ceux de Jean-Luc Martinez, juste nommé au Louvre.
Pour les Pôles, le groupe intercabinet a demandé que chaque musée et ESF consulte son comité scientifique pour savoir si ces Pôles pouvaient nuire ou pas à la recherche. Comment cela s’est-il passé dans les deux musées que vous dirigez (Beaux-Arts et Cinquantenaire)?
Il y a eu beaucoup de questions mais aussi de l’enthousiasme, avec un consensus pour que les choses changent. Je sais qu’à l’Irpa, les craintes restent grandes, ils ont peur de disparaître malgré les assurances données que ce sera le contraire.
Vous cristallisez des oppositions, en ayant fermé le musée d’Art moderne, et récemment en déclarant que ce serait sans doute un membre du personnel du Cinquantenaire qui aurait volé des « pièces » dans les réserves, qu’on a retrouvées en vente à Christie’s.
On a interprété mes propos. J’ai dit que, dans les réserves, le public ne rentrait pas et que c’était le personnel qui y avait accès. Cela fait des années que je dirige ad interim le Cinquantenaire sans être payé pour cela : j’éponge les difficultés, je fais le boulot. Je comprends l’inquiétude du personnel mais je sens aussi chez les jeunes conservateurs (et d’autres !) un vrai enthousiasme. On travaille à y faire un vrai musée de l’Antiquité en lien avec les autorités européennes toutes proches. Un autre exemple : j’ai demandé de faire un inventaire des réserves quand il n’y en avait pas. La responsable Archéologie m’a montré la montagne de pierres à archiver. Impossible. On lui a donné les moyens de le faire. A côté des économies, il faut augmenter nos recettes. On m’a reproché les prix de l’expo Kandinsky. J’en ai tenu compte partiellement pour l’expo van der Weyden (prix pour étudiants) mais il faut trouver des recettes et le prix sera celui de Kandinsky.
Que se passe-t-il si le gouvernement ne décide rien? 
On ira droit dans le mur. Cela signifiera de moins en moins de moyens ; nous allons péricliter et cela peut provoquer rapidement un effet d’emballement à la baisse. Mais il ne faut peut-être pas tout décider à la fois, faire tous les Pôles à la fois. On pourrait phaser les choses et décider d’abord pour le Pôle Art.
Qu’en est-il du déménagement du musée d’Art moderne au Vanderborght?
Rien n’a bougé. Enfin si, car l’Inspection des finances a totalement validé notre plan et nous a donné le feu vert. Cela me permet déjà, en attendant une décision gouvernementale, de m’occuper du fond du projet et de ne plus avoir ce visage « vénal » qu’on me prête parfois d’un homme occupé par les finances ou par le seul Magritte qui serait un « peintre facile ». J’en ai marre d’apparaître comme cela, je veux parler contenu. On a vu comment l’œuvre de Jan Fabre s’est bien intégrée au grand escalier du musée. J’ai admiré à Grignan, en France, l’église « habillée » de lumières colorées par Ann Veronica Janssens. J’aimerais un équivalent au musée, introduisant à la lumière des primitifs flamands. Je pense à Thierry De Cordier et je rêve de créer au musée, comme la chapelle Rothko à Houston, un endroit « spirituel » où le visiteur peut se ressourcer.
On vous dit très réticent à l’égard de l’art contemporain?
Je ne suis pas fermé à l’art contemporain – d’ailleurs je l’enseigne à l’université depuis des années – sauf si on me dit que Broodthaers, par exemple, ce serait la préhistoire. J’ai simplement des doutes sur le concept d’un musée d’art contemporain car il faut laisser le temps faire son œuvre pour faire un musée. Il y a toujours eu, au moment même, des « déchets » que le temps élague.
A force d’attendre, on perd des possibilités d’acheter à des prix raisonnables. Le musée a raté largement Luc Tuymans. On a acheté par exemple Claerbout. En guise de pure boutade, je dirais que peut-être Tuymans sera demain comme Louis Carbonnel qui fut, au XIXe sècle, le peintre le plus cher. Pour le Vanderborght, qu’on appelle le « Lab » (« Postmodern Museum Lab »), on travaille déjà en faisant des parcours virtuels et en préparant les premières expositions (« Dubuffet et de Kooning », « Marcel Broodthaers » en collaboration avec le Moma). On vise 2017.
Et le futur musée?
Je voulais le mettre au Cinquantenaire, mais je me suis rallié à la décision bruxelloise de le mettre le long du canal. Le reste, on verra.
GUY DUPLAT, La Libre, Publié le lundi 14 octobre 2013 à 05h39 – Mis à jour le lundi 14 octobre 2013 à 10h26

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